Devises des cadrans solaires de l’Ubaye

 

L’activité intense à La Blachière (cf. articles sur le camp des Mousquetons 1998) ne nous a pas laissé le loisir de faire du tourisme culturel. Aussi est-ce sans en avoir vus beaucoup nous-mêmes que nous allons parler des cadrans solaires de l’Ubaye, en espérant que ce travail de seconde main (fondé en partie sur une petite feuille d’information de l’office du tourisme de Barcelonnette) apportera cependant un utile complément à notre article sur les devises des cadrans solaires du Queyras (in La Cambuse n°8. Référence à cet article : GLH).

 

  1. À Saint-Barthélémy, cadran de 1765.

Ultima latet : La dernière [heure] se cache.

La devise renvoie au passage de l’Évangile selon Matthieu (XXV, 13) : Vigilate itaque quia nescitis diem neque horam (“ Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l’heure ”) ; ou bien à Luc (XII, 40) : Et vos estote parati quia qua hora non putatis Filius hominis venit (“ Quant à vous, soyez prêt, parce que vous ne savez pas à quelle heure le Fils de l’homme vient. ”).

 

  1. À Saint-Barthélémy, au cimetière, cadran du XIXe siècle.

Salus pendet ab una : le salut tient à une seule [heure]. Il s’agit, comme toujours, de l’heure dernière… Conception théologique un peu trop mécanique pour qu’on y puisse croire vraiment aujourd’hui. L’Évangile est plus… évangélique, puisqu’il met l’accent sur l’idée qu’il faut être prêt à toute heure (cf. ci-dessus), mais pas forcément à la mort.

 

  1. À Saint-Barthélémy, au presbytère, cadran de la fin du XIXe siècle.

Homo fugit ut umbra : l’homme s’enfuit comme une ombre. Cf. Vita fugit sicut umbra, (GLH), que l’on trouve aussi à Maurin.

 

  1. Aux Clarions, maison d’Ollivier Jean (1876-1969)

Sine sole nihil sum : Sans le soleil, je ne suis rien. Variante assez considérable pour le sens, puis qu’elle se limite au gnomon, de Nihil sine sole, devise recensée dans GLH, et qui établit une vérité de La Palisse : notre système solaire en général, la lavande sur les adrets et le tourisme dans les Alpes du sud n’existeraient pas sans le soleil !

 

  1. À Peynier, maison Meyran (1908).

Bien faire et laisser dire – Bien dire et fait rire – Bien faire et fait taire. Ce n’est pas du latin, mais est-ce vraiment du français ? (devise à vérifier de visu).

 

  1. À Méolans-Revel, maison Chauvet, sur un cadran restauré, qui suggère les montres molles de Dali, une probable devise latine a été remplacée par celle-ci : Donnez-moi le soleil, je vous donnerai l’heure.

 

  1. Aux Thuiles, sur l’église (XIXe siècle).

Je passe et je reviens. Tu passes et ne reviens pas.

 

  1. À La Lauze, Saint-Pons Lara (1828).

Tu es suivi de la mort comme l’heure de l’ombre.

 

  1. À Barcelonnette, maison Paul Reynaud (1739), rue Jules Béraud.

Ora ne te fallat hora : Prie pour que l’heure ne t’induise pas en erreur. Cf. GLH : Ora ne te rapiat hora, Prie pour que l’heure ne t’enlève pas, variante plus brutale.

 

  1. À Barcelonnette, ferme Pissevin.

Soli soli solo. La feuille d’information de Barcelonnette donne une traduction possible : Au seul soleil de la terre, ou, dirions-nous plutôt, sur la terre, et la commente bizarrement et au choix : “ esprit matérialiste et libertin du siècle des lumière ” ; ou bien référence à Louis XIV, le roi soleil. Nous y verrions plutôt, au-delà du jeu de mots, et au-delà de l’astre solaire, une invite à se tourner vers le seul vrai soleil du monde, Dieu…

 

  1. À Faucon de Barcelonnette, sur l’église, 1878.

Hac rite utendo extremam para faustam : En utilisant convenablement l’heure présente, prépare-toi une fin heureuse. L’obsession de l’heure dernière, si souvent rencontrée dans le Queyras, apparaît en Ubaye aussi. (Cf. ci-dessus, 2)

 

  1. À Faucon de Barcelonnette, au monastère Saint-Jean de Matha.

À chaque heure crois et espère. Devise française d’un cadran rénové. Il serait intéressant de chercher si les cadrans rénovés et “ francisés ” ont traduit la devise latine antérieure, ou en ont choisi une autre.

 

  1. À Enchastrayes.

Fugit temps. Gavot l’es pas qui vouo : Le temps s’enfuit. Gavot ne l’est pas qui veut. Gavot désigne la langue (provençale) et la population du pays entre Digne et Barcelonnette. Le début est une variante de la devise 3, ou renvoie au vers fameux des Géorgiques de Virgile : Sed fugit interea, fugit inreparabile tempus : “ Mais il s’enfuit cependant, il s’enfuit, le temps irréparable. ”

 

  1. À Tournoux, sur le presbytère (1801).

Sufficit una tibi : Pour toi, une seule suffit — une seule pour t’emporter, bien sûr. (Cf. 2 & 11). À quoi est rajouté, en alexandrins majestueux, pour qu’on ne s’y trompe pas : Sur Un Char Élevé Et Couvert De Lumière / Je Viens Régler Tes Pas Et Finir Ta Carrière. Est-ce Élie, Hénoch ou Apollon qui parle ? Bizarre équivalence…

 

  1. À Petite Sérenne (1807).

Mortel sais-tu à quoi je sers

À marquer les heures que tu perds.

 

  1. À Lans, juste au dessus du hameau des Buissons cher à nos amis Dalloz, sur le mur sud de l’église, sur un cadran restauré sans doute assez mal et pas récemment, une devise se devine à peine : qui ira nous la lire ?

 

Bernard Berthier, Geneviève Le Hir (71)