- in La Cambuse n°13, octobre 2000 -

 

Frappés par les nouvelles accablantes concernant les risques que nous prenons en mangeant, nous sommes allés consulter notre ami pneumologue le fameux Doc Zonpi. Voici les réponses que nous avons obtenues…

 

La Cambuse : — Bonjour, Doc Zonpi ! Vous me remettez ? [Doc Zonpi continue de méditer pro­fondément] Excusez mon ingérence au plein cœur de vos inactivités, mais les lecteurs de La Cambuse méritent autant que ceux de The Lancet vos réponses salvatrices à leurs questions. Vous le savez, depuis quelques semaines, nous vivons dans la terreur culinaire. Culpabilisés déjà par le fait que nous ne sommes pas végétariens, nous n’osons plus manger un morceau de viande sans penser à la mort qui nous guette, cherchant qui dévorer. Les mères ôtent les steaks hachés de la bouche de leur marmaille et leur rouvrent le sein à quatre ans passés. Nous passons devant les boucheries en remontant notre cache-nez, et dans la première église après le Mac Do, nous entrons, confessons nos fautes… et prions. Aïe ! Les monstres m’ont rattrapé… Bref, nous ne sommes plus dans notre assiette. Ô lumière des cambusards, Doc Zonpi, prononcez votre verdict. Nos craintes sont-elles excessives ?

Doc Zonpi : — Homphrr !

L.C. : —Je vous ai compris. Vous nous en voulez de ne pas vous avoir écouté il y a un an, lorsque vous annonciez les pleurs et les gémissements d’aujourd’hui. Nous ne vous avons pas cru, et nous sommes cuits… On nous a interdit la côte de bœuf, l’os à moelle, les entrailles, la cervelle et les couilles des bœufs. Trop tard, nous sommes enfarinés ! Les ruminants ont mangé des prions, les moutons herbivores ont mangé du ruminant, les porcs ont mangé du mouton, les volailles ont mangé du porc, les saumons ont mangé de la volaille. Comme je l’écrivais naguère, la vie est un éternel recommangement. On jette la farine à l’eau, et la loup boit de la sauce de prion en aval de l’agneau. Doc Zonpi, le temps de l’Apocalypse est-il arrivé ? Faut-il comme Jean-Baptiste nous rabattre sur les sauterelles ? Parlez, je vous en prie…

D.Z.: — Glup !

L.C.: — Parlez, Doc Zonpi, parlez ! Ou seriez-vous atteint de l’ESB ? [Ici, notre camarade donne l’impression d’avoir le cerveau mité]. Vous qui êtes d’habitude si prolixe, si disert, si lumineux dans vos propos, à quoi rime ce silence ? Voulez-vous nous laisser mourir d’inanition, ou d’empoisonnement ?

Doc Zonpi ajoute quelques mots sur un papier déjà imprimé, et me le tend. Je lis : “ Sortez et lisez ! ” Je m’exécute et je découvre le texte que voici.

Bagatelles que les salmonelles ! Peu de chose que la listériose ! Brimborions que les prions ! Rassurez-vous : ce n’est pas par le ventre que vous périrez tous, mais par le poumon ! Hors du sein maternel, l’air est devenu irrespirable. C’est un crime pour une mère que de laisser sortir le fruit de ses entrailles. Une seule solution : l’apprentissage de la vie en apnée. C’est ce que j’expérimente, et c’est pourquoi je ne parle plus, afin d’économiser mon souffle. Les animaux que l’on veut consommer devraient faire la même chose : je prépare pour la revue Nature un article retentissant pour proposer l’interdiction des narines animales…

 

Divagations recueillies par B.B.

 

Bernard Berthier, alias Castor, moniteur de 1970 à 1977