- in La Cambuse n°3, octobre 1995 -
À mon âge, on ne se refait pas. Professeur de lettres je suis, professeur de lettres je resterai. Incorrigiblement. Quand j’ouvre Le Figaro, je pense à Beaumarchais, et à Fontenelle quand je ferme Le Monde. Quand je reçois Le Cambusard, je cherche à quoi penser. Je veux dire : quel écho ce titre évoque-t-il en nous, quelle richesse étymologique ? Dans ma perplexité, j’ai consulté d’abord les lexicographes d’aujourd’hui. Le mot cambuse, pris péjorativement, évoque, depuis 1875, “ une chambre, un logis pauvre mal tenu ” ; chassons ce sens : l’ordre et le luxe ont toujours régné dans notre cambuse. Une acception plus ancienne du mot, d’origine néerlandaise (kombuis) renvoie à la marine et désigne le “ magasin du bord où sont conservés et distribués les vivres, les provisions ”. Le cambusier y règne. Dans notre bateau sur la mer des montagnes (Fluctuat nec mergitur), c’est donc l’intendant qui serait le chef du camp, si la cambuse en est le point stratégique ! En voilà, une remise en question. Et nous, les cambusards, c’est donc à une collection de boîtes de conserves que nous sommes viscéralement attachés...
Dans ma déception, je dirais même dans mon désenchantement, j’ai cherché plus loin. J’ai écouté chanter le terme. Cambusard, cambusard,... camp bizarre (?), quand bise hard... (juste ciel ! cette idée me séduit, mais motus !), qu’en bazar (retour, par l’orient, à l’intendance), khan (caravansérail) de busards... Mon ami Petrus-Hamlet Kastoris, de l’université de Wittemberg, à qui j’ai confié mes recherches, m’a transmis une vieille chanson ostiak qui commence ainsi :
Quand le busard au printemps
Survolant le fond de la vallée
Tourne au-dessus de la sombre yourte
Réjouis-toi, Samoyède,
Y aura beaucoup de yaourt.
Nous tournons autour du pot...
Il faut revenir encore et toujours à l’antiquité classique. Chacun sait que le upsilon grec (Υ) a donné notre u, et qu’il faut donc lire Cambysard. De Cambyse, dont le nom suit celui de Cambronne dans l’annuaire des PTT. Quand on songe au mot de Cambronne, on n’ose penser à celui de Cambyse. Attention, ne pas confondre Cambyse Ier, qui fut fils de Cyrus Ier, avec Cambyse bis, qui fut fils de Cyrus bis (le Grand). Ça ferait des bisbilles, et celui qui nous intéresse, Cambyse II, était très cruel : il conquit l’Égypte et tua sa femme (Roxane) ; qui plume le peuple meut le poing, comme dit le proverbe zoulou. Ce Cambyse fut, en quelque sorte, un super Carlos Monzon (champion du monde des poids moyens de 1970 à 1977). Mais quel rapport de ce Cambyse à la cambuse ? Qui, en notre camp, a jamais entendu parler de misogynie et d’autorité brutale ? Me voici réduit à quia. Je compte sur l’aide de tous pour aller plus avant dans cette recherche fondamentale. Il y va de notre identité.
Bernard Berthier, alias Castor, moniteur de 1970 à 1977
En guise de P.-S. --- Petite annonce
Échangerais épouse sous-intendante en 1977 contre copine chef de camp en 1994.